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Lutte contre le blanchiment de capitaux : Une stratégie nationale en gestation

Lutter contre la criminalité transnationale organisée et assainir le secteur financier. Tels sont les objectifs du service de renseignements financiers (SAMIFIN). Des étapes ont été réalisées et d’autres restent à franchir.

Une synergie d’actions et des efforts conjoints sont requis pour une bonne gouvernance à Madagascar. Ceci afin d’instaurer un environnement économique et financier assaini, gage de développement, loin du blanchiment de capitaux, du financement du terrorisme et de tout flux illicite. Des précisions ont été apportées par Lamina Boto Tsara Dia, DG du SAMIFIN, lors d’une interview exclusive qu’il a accordée à la rédaction.

– Ma-LAZA : Une stratégie nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme LBC/FT est en vue, quels en sont les enjeux ?
– Lamina Boto Tsara Dia : Cela permettra d’être plus effectif dans la mise en œuvre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Lorsque nous avons adhéré à l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group ESAAMLAG, la branche du Groupe d’Action Financière GAFI au niveau sous-régional, nous avons fait l’objet d’une évaluation mutuelle du système anti-blanchiment. Par la suite, nous avons initié l’évaluation nationale des risques. En 2016, nous avons mis en place une stratégie de LBC /FT pour le service de renseignements financiers. A présent, l’objectif est de mettre en place une stratégie nationale qui va impliquer l’ensemble des parties prenantes qui ont leur part dans la mise en œuvre de LBC /FT ainsi que les dirigeants. Nous sommes actuellement au stade de l’élaboration du futur document, et dans cette démarche nous sommes appuyés par la Banque Mondiale. Cette stratégie sera complémentaire à d’autres actions comme celle de la lutte contre la corruption. Le document sera finalisé d’ici fin octobre. Il fera l’objet d’une consultation élargie et de communication aux autorités.
– Ma-LAZA: Comment se sont déroulées les activités du SAMIFIN au cours du premier semestre 2020 ?
– Lamina Boto Tsara Dia : Le SAMIFIN, comme n’importe quelle entité étatique, a subi les affres de la crise sanitaire. Au premier semestre 2020, le SAMIFIN n’a pu travailler à son rythme normal que durant les trois premiers mois. Par la suite, on a observé les mesures sanitaires dont le confinement, ce qui nous a empêchés de nous adonner à nos occupations quotidiennes normales. On n’a pas pu effectuer des descentes sur terrain, ni développer certaines activités qui nécessitent des contacts physiques avec nos interlocuteurs. Nous avons reçu moins de déclarations d’opérations suspectes DOS de la part des entités déclarantes. Mais la nouvelle loi sur le blanchiment de capitaux permet de recourir à d’autres procédés de collecte d’informations.
Grâce aux possibilités offertes par les nouvelles technologies, nous avons opté pour une politique de digitalisation et d’informatisation de nos systèmes d’échanges d’informations. On a pu assurer le minimum dans notre fonctionnement opérationnel. Par ailleurs, une plateforme numérique centralisée a été mise en place. Le fichier central regroupe toutes les données et les informations concernant les infractions de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme, la corruption et les infractions économiques et financières. On a pu opérationnaliser cette plateforme avec la gendarmerie nationale, la police nationale et l’administration des douanes. Bientôt le Bianco, l’administration des impôts, le trésor public et la police des mines (…) vont nous rejoindre.

– Ma-LAZA : La proposition de loi modifiant la loi sur le Pôle Anti-corruption continue de susciter des polémiques. Le SAMIFIN faisant partie des organes de lutte contre la corruption, qu’en pensez-vous ?
– Lamina Boto Tsara Dia : En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas dans la polémique. Je ne pense pas que le système anti-corruption soit dans cette logique, la proposition de la loi qui a été votée par l’Assemblée Nationale est maintenant pendante au niveau du Sénat. Le SAMIFIN ne tient pas à s’engouffrer dans cette mêlée. Nous sommes là pour être efficaces contre la corruption, le blanchiment de capitaux ainsi que la criminalité organisée. Lorsque le président de la commission juridique, porteur de la proposition de loi a initié ce projet, il était dans son rôle. Sur le principe, c’est bien que l’Assemblée Nationale ait eu cette initiative. Mais ça aurait été mieux s’il y avait plus de consultation, plus de concertation pour aboutir à un projet commun ou si la proposition de loi avait pris en compte d’autres facteurs. Toucher à cette loi ne concerne pas que le PAC mais l’ensemble des lois adoptées dans le cadre de la réforme sur la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Cela va impacter les autres projets comme la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. C’est pourquoi nous nous sommes montrés solidaires avec l’ensemble du système anti-corruption pour avancer d’autres propositions d’amélioration. Le PAC est l’aboutissement de réflexion, d’effort d’amélioration de l’ensemble du système anti-corruption. On a tiré des leçons des erreurs de l’ancienne chaîne pénale anti-corruption. L’erreur à ne pas faire est de remettre en cause les acquis des réformes mises en place. Il y a des acquis certains : il y a plus de condamnation, plus d’affaires traités et plus d’impact dans la lutte contre la corruption.

– Ma-LAZA : Quel serait votre mot de la fin ?
– Lamina Boto Tsara Dia : Il faut persévérer dans la lutte contre la corruption. On vient de traverser une période difficile qui ne manquera pas d’influencer la vie de la nation en termes de difficultés économique et financière, mais également d’impact social. Madagascar étant dans une situation de pauvreté, le pays risque d’être encore plus vulnérable à cause de cette pandémie. La corruption n’a pas sa place dans un tel contexte. Si on veut redresser la situation et atteindre les objectifs qu’on s’est fixés, c’est le moment de lutter contre la corruption et les infractions économiques et financières. Respectueusement je demanderais à nos dirigeants, aux acteurs politiques et du secteur privé de se donner la main pour lutter contre la corruption, le blanchiment de capitaux et la criminalité organisée.

Propos recueillis par Claudia R.

 


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