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SEM Yoshihiro Higuchi : Les aides internationales méritent la transparence

Le Japon est l’un des partenaires engagés de Madagascar dans l’appui à la santé publique. Son ambassadeur, SEM Yoshihiro Higuchi a livré ses impressions sur la coopération entre les deux pays dans ce domaine notamment dans le cadre de la lutte contre la Covid-19.

Ma-LAZA : Madagascar se trouve dans une phase critique de la lutte contre l’épidémie de coronavirus. Le Japon a annoncé plusieurs aides dans le cadre de la riposte à cette maladie. Qu’en est-il précisément ?
SEM Y. Higuchi : Madagascar traverse en effet une situation critique dans le cadre de la pandémie liée à la Covid-19. Nous souhaitons vivement que la situation s’améliore et que les cas de contamination diminuent. Je tiens ici à rendre hommage au personnel de santé qui travaille de manière acharnée dans cette bataille contre le Coronavirus. Nous souhaitons rester solidaire avec le peuple malgache dans cette lutte. Raison pour laquelle nous avons mis en place 4 projets bilatéraux et multilatéraux en cours d’exécution. Un premier projet d’approvisionnement de matériel au personnel médical et financé par le fonds de contrevaleur, d’un montant de 4 milliards d’Ariary, vise à fournir les équipements les plus urgents. Le second projet, signé le 6 août dernier, d’un montant de 15 milliards Ariary, vise, en fournissant des équipements médicaux polyvalents, à soutenir le système médical de Madagascar pour améliorer la capacité opérationnelle en matière de santé publique et notamment dans le cadre de la lutte contre les épidémies et maladies infectieuses dont la Covid-19. Les 2 autres projets restants engageront les organisations internationales telles que l’UNFPA notamment dans le cadre de la santé maternelle qui va allouer 20% du budget à la lutte anti-Covid-19, et aussi avec la FAO, le PAM et l’UNICEF dans le cadre de l’amélioration des conditions nutritionnelles étroitement liées avec la pandémie. Et d’ailleurs, la sécurité alimentaire est l’un des thèmes prioritaires pour le Président Rajoelina comme il l’a souligné lors de sa participation au TICAD VII d’Yokohama.

Ma-LAZA : L’appel du ministère de la Santé Publique de Madagascar en date du 20 juillet dernier, à un soutien logistique et financier vous est-il parvenu ? Pensez-vous que la gestion des aides internationales est bien transparente ?
SEM Y. Higuchi : Nous avons pris connaissance, par voie de presse, de cette lettre du ministre de la Santé Publique qui aspire à un soutien des organisations et partenaires internationaux de santé. Nous précisons tout de même que l’ambassade du Japon ne faisait pas partie des destinataires directs de cette lettre. En revanche, nous avons travaillé dès le début de la crise et continuons de travailler de manière étroite avec le ministère de la Santé Publique et le gouvernement afin d’identifier les besoins d’assistance. La préparation et l’exécution de notre assistance bilatérale se sont toujours basées sur la transparence et la confiance mutuelle.
Il est impératif que l’assistance internationale puisse réellement bénéficier à ceux qui en ont réellement besoin, et qu’un suivi ou un monitoring optimal et efficace soit bien établi pour assurer les résultats escomptés. Par ailleurs, le Japon est l’un des grands contributeurs de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI) qui fournissent de l’assistance financière au gouvernement de Madagascar. Par conséquent, nous sommes intéressés de savoir comment les financements alloués sont-ils utilisés et nous continuons à le suivre de près. Nous souhaitons ainsi pouvoir discuter dans le cadre du dialogue entre le gouvernement malgache et les partenaires techniques et financiers internationaux pour nous permettre de nous en enquérir davantage avec transparence.
Ma-LAZA : Le ministère des Finances et du Budget a élaboré un document faisant ressortir les lignes des aides et de l’assistance internationale dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Ce document est-il insuffisant ?
SEM Y. Higuchi : A ce stade, nous ne pouvons pas dire définitivement si c’est suffisant ou insuffisant… Nous travaillons en ce moment avec les autorités malgaches et les autres partenaires techniques et financiers pour nous assurer de la transparence.

Ma-LAZA : La compagnie minière Ambatovy, détenue par Sumitomo Corporation, a été l’une des victimes de cette pandémie. Des milliers d’emplois sont menacés par les mesures de restriction. Le Japon est-il confiant quant à l’avenir de cette compagnie ?
SEM Y. Higuchi : Le projet Ambatovy est le plus grand investissement du Japon en Afrique. Son production de Nickel et de Cobalt occupe également plus de 20% du volume total des exportations de Madagascar et crée de 9.000 emplois directs et indirects. Cette compagnie est un grand contributeur de l’économie malgache tant sur le plan fiscal que sur les recettes en devises et fournit plusieurs projets sociaux en faveur de la population locale.
La compagnie a été mise en quarantaine à cause de la Covid-19 qui a ravagé Toamasina et a été obligée de cesser ses activités. Mais au vu de l’amélioration de la situation à Toamasina, la quarantaine a été levée et Ambatovy travaille actuellement en vue de la reprise de ses activités. La situation sanitaire avait contraint le site de fermer, mais une fois la quarantaine levée, Ambatovy n’a pas théoriquement besoin d’autorisation de l’Etat pour la reprise de sa production. Toutefois, la reprise implique un processus technique complexe et délicat et de nombreux problèmes techniques doivent être surmontés pour optimiser cette reprise. Bon nombre d’employés notamment des experts non-malgaches expatriés doivent revenir sur le site, mais ils sont toujours bloqués à l’extérieur à cause de la fermeture des frontières aériennes malgaches. En outre, ils cherchent à obtenir le visa et le permis de travail renouvelés. Pour régler ces questions techniques et administratives, nous devons solliciter l’assistance des autorités malgaches concernées. C’est donc dans cet esprit que je me mobilise auprès des autorités de Madagascar pour qu’il y ait une condition meilleure de reprise des activités d’Ambatovy dans les meilleurs délais.

Ma-LAZA : Plusieurs projets de coopération Japon-Madagascar sont en cours. Où en sont-ils actuellement ?
SEM Y. Higuchi : Actuellement, 3 projets phares sont en cours d’exécution dans le cadre de la coopération entre les deux pays. Malheureusement, ils sont en suspension temporaire à cause de la crise sanitaire. Les techniciens et experts étrangers de chantiers ont dû quitter la Grande Île, ce qui a ainsi occasionné la suspension des travaux. L’un des grands projets est celui de l’extension du Port de Toamasina avec un financement de 430 millions d’USD, visant à doubler la capacité de traitement de ce port. Le second est celui de l’amélioration du pont d’Antsapazana et de Mangoro sur la Route Nationale 2 visant à complètement les rénover et les élargir à deux voies pour une amélioration de la sécurité et de la fluidité de cette artère majeure connectant les villes d’Antananarivo et Toamasina. Le troisième projet concerne la réhabilitation du système d’irrigation au Sud-Ouest du Lac Alaotra. Ce dernier permettra d’assurer l’approvisionnement en eau et l’augmentation de la production rizicole de Madagascar, contribuant à renforcer la sécurité alimentaire du pays.
Nous souhaitons la reprise rapide de ces projets puisqu’il sera dommage que les efforts engagés en faveur du peuple malgache ne soient réduits à néant. Ce sont tous des projets qui ont pour but d’assurer le développement économique et social de la Grande Île. Une reprise de ces projets demande, en revanche, des mesures efficaces du gouvernement de Madagascar dont la maîtrise de la crise sanitaire pour permettre, par la suite, de rouvrir les frontières aux techniciens expatriés.

Ma-LAZA : Vous êtes très actif depuis votre arrivée en tant que chef de la Mission Diplomatique du Japon à Madagascar. Quelle appréciation apporteriez-vous au paysage politique de Madagascar après vos entretiens avec les autorités et les anciens présidents Ratsiraka et Ravalomanana ?
SEM Y. Higuchi : En effet, à mon arrivée dans le pays, j’ai été reçu par le Président de la République de Madagascar le 12 février 2020. J’ai été très impressionné par sa vision et sa volonté ferme de transformer ce pays, sa volonté de réaliser un développement économique et social de ce pays… Pour ma part, je lui ai assuré que le Japon demeurera aux côtés de Madagascar dans la réalisation du développement socio-économique de ce pays plein de charmes et potentiels, avec un peuple très hospitalier et ouvert.
Je voulais mieux connaitre le pays et son peuple, raison qui m’a poussé à m’entretenir avec des hommes politiques, à l’instar des anciens présidents de la République et des membres du gouvernement, des hommes d’affaires et des personnalités de la société civile ainsi que de simples citoyens. J’ai appris avec certitude que chacun a sa propre position, sa vision et sa volonté ferme en faveur du développement de Madagascar. Il est alors important d’unir et de conjuguer ces volontés de manière à créer une force et un dynamisme pour faire de Madagascar un pays fort. Il faut installer un climat de confiance entre tous les acteurs. La construction d’un pays est une tâche difficile du gouvernement et le véritable développement est difficile à réaliser sur un mandat de 5 ans… Il faut que tout le peuple soit soudé pour arriver à bâtir une Nation forte. Il faut qu’une dynamique forte basée sur la confiance mutuelle soit créée. Je souhaite que le gouvernement puisse prendre des approches inclusives et cohérentes dans une vision à moyen et long terme.

Ma-LAZA : Peut-on espérer un appui pérenne du Japon dans le processus de développement de Madagascar ?
SEM Y. Higuchi : En ma qualité d’ambassadeur du Japon à Madagascar, je suis tout à fait disposé à travailler avec la partie malgache, et rendre service dans le but de réaliser le développement économique et social de cette magnifique Grande Île, pays toujours ami du Japon.

Recueillis par Marc A.


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