La situation économique de Madagascar est quelque peu préoccupante du fait d’une inflation galopante. Toutefois, les partenaires techniques et financiers, dont le FMI, font de leur mieux pour soutenir les efforts de Madagascar et de son peuple pour tenir le coup. Le Représentant du FMI s’exprime à ce sujet.
Marc Gérard, nouveau Représentant Résident du FMI a pris officiellement ses fonctions depuis près d’un mois. Il est arrivé au lendemain de la conclusion de la troisième revue du programme de la Facilité Elargie de Crédit (FEC) et à la veille de la quatrième revue. Dans une interview exclusive accordée à la Rédaction, il s’est exprimé sur ses priorités et sur des sujets d’actualité. Les détails.
Ma-LAZA : En tant que nouveau Représentant Résident du FMI à Madagascar, quelles sont vos priorités ?
Marc Gérard : Le sens de ma nomination est assez clair : poursuivre l’engagement du FMI envers Madagascar pour accompagner son programme de développement économique. De ce point de vue, la priorité c’est de nous assurer que la population voie les bénéfices et les retombées d’une stabilité macroéconomique retrouvée à travers une augmentation du niveau de vie, du pouvoir d’achat et plus généralement de la qualité de vie des Malgaches.
Nous actions s’articulent autour de plusieurs axes. Nous nous assurons qu’une certaine proportion des recettes budgétaires aille dans les secteurs prioritaires (santé, éducation, infrastructures). Pour cela, l’Etat doit pouvoir augmenter la pression fiscale. Nous soutenons également les efforts d’un certain nombre d’intervenants à Madagascar pour améliorer la gouvernance et lutter contre la corruption. Si Madagascar ne parvient pas à se développer aussi rapidement que son potentiel culturel économique et humain ne le laisserait espérer, c’est sans doute à cause des problèmes de gouvernance. Nous voulons frontalement nous attaquer à ce problème.
Ma-LAZA : Justement, comment percevez-vous le fait que la Loi sur la lutte contre le blanchiment de capitaux ainsi que celle sur le recouvrement des avoirs illicites ne soient toujours pas adoptées ?
Marc Gérard : L’adoption de ces lois est une condition dont nous avons souligné à maintes reprises l’importance. Nous sommes confiants, nous avons reçu des garanties que ces lois seront examinées par le Parlement. Nous comptons sur la responsabilité des députés pour les adopter ; autrement, les conséquences économiques et financières sur Madagascar seront considérables. Si Madagascar est placée dans la liste grise par les organismes de surveillance financière au niveau international, il y aurait un risque de perdre un certain nombre de relations économiques avec les banques internationales, les exportateurs, les importateurs, qui se traduirait par des coûts supplémentaires à tous les échelons. Ces lois sont importantes pour le pays et leurs adoptions est devenue urgente.
Ma-LAZA : Récemment, la Société civile a dénoncé l’intention du gouvernement d’indemniser les trafiquants de bois de rose. Qu’en pensez-vous ?
Marc Gérard : Le FMI n’a pas mandat de s’exprimer sur ces sujets particuliers. Ce que je puis dire c’est qu’en tant que membre de la Communauté Internationale et membre actif de la communauté des institutions qui travaillent dans ce pays, nous observons la mise en œuvre des dispositifs anti-corruption dont nous avons poussé l’adoption. De ce point de vue, la Société civile nous aura toujours à ses côtés pour soutenir les progrès en matière de gouvernance.
Ma-LAZA : Les services du FMI encouragent les autorités à aligner progressivement les prix à la pompe à un niveau cohérent avec le retour à la vérité des prix. Au 1er octobre dernier, aucun ajustement n’a eu lieu. Quels pourraient en être les impacts ?
Marc Gérard : Le fait que l’ajustement de prix à la pompe ne soit pas mis en œuvre a pour conséquence l’augmentation du passif, autrement dit de la dette de l’Etat vis-à-vis des distributeurs pétroliers. Lors de la troisième revue de la FEC, nous avons souhaité que ces dettes soient limitées à un quart du PIB soit 100 milliards d’Ar. Ce montant risque d’être dépassé et cette facture devra être payée à un moment ou un autre par les finances publiques, c’est-à-dire, in fine, par les citoyens. Nous alertons les autorités et le public de l’importance de laisser la vérité des prix jouer sur le marché des prix des produits pétroliers. Des mesures de compensation peuvent être prises pour aider les secteurs les plus fragiles et les populations les plus vulnérables.
Ma-LAZA : Pour ce qui est de l’énergie, pensez-vous que l’équilibre opérationnel de la JIRAMA puisse être atteint en 2020 ?
Marc Gérard : Nos efforts en ce qui concerne la JIRAMA vont exactement dans le même sens. Il s’agit d’essayer de limiter les subventions de l’Etat. Nous examinons la situation financière de la JIRAMA. Par rapport à 2017 et par rapport à cette année, les subventions vont diminuer. La gestion de la JIRAMA s’améliore. Beaucoup de progrès reste à faire, mais nous travaillons à réduire les pertes opérationnelles, à minimiser les risques de fraude et nous espérons que les comptes de la JIRAMA vont bientôt se rétablir. Vous donner une date précise serait prématuré, à ce stade. C’est vrai que l’équilibre est prévu pour 2020. Cet objectif reste atteignable, mais nous sommes encore en discussion avec les autorités et la direction de la JIRAMA sur ce point.
Ma-LAZA : Bien que le Fonds Monétaire International ne s’immisce pas dans les affaires politiques, avez-vous rencontré certains des candidats aux présidentielles et pensez-vous que les élections à venir puissent avoir des impacts sur la poursuite du programme de réforme économique ?
Marc Gérard : Oui, effectivement. J’ai rencontré les Etats-majors des principaux candidats et ma porte reste ouverte à tous les candidats. Le FMI souhaite rester neutre dans la tenue de ces scrutins tout en insistant sur l’importance d’avoir des élections ouvertes, transparentes, dont les résultats ne seront pas contestés. J’ai été nommé à quelques mois de la tenue des élections pour un mandat de trois ou quatre ans. C’est bien la preuve que le Fonds entend travailler dans la durée avec les autorités légitimes de Madagascar. Nous espérons que le processus sera mené à son terme de la manière la plus inclusive et la plus sereine possible. Les conséquences économiques sont, pour l’instant, minimes. La conjoncture est bonne, les prévisions de croissance ont été révisées à la hausse. La mise en œuvre du programme est satisfaisante. Bien entendu, nous nous attendons à un certain ralentissement, peut-être à un certain attentisme des acteurs privés et des investisseurs, ce qui est normal. On peut s’attendre à une conjoncture moins porteuse dans les mois à venir et certaines incertitudes. Nous y sommes collectivement préparés, nous, institutions internationales et également les autorités. Nous n’avons pas d’inquiétude, mais vous dire que nous pensons que de grandes réalisations vont se faire dans les mois qui viennent, serait exagéré
Ma-LAZA : Si vous avez un message à adresser aussi bien au dirigeants, aux acteurs économiques qu’à la ¨Population, quel serait-il ?
Marc Gérard : Je pense que Madagascar se trouve à un tournant historique. Beaucoup de progrès ont été réalisés ces dernières années et beaucoup reste à faire. Il est clair que les bénéfices de l’intégration du pays dans le Concert des Nations et dans la Communauté internationale ne se sont pas encore fait ressentir suffisamment sur la population. Ce sont là des enjeux cruciaux. Un appel est lancé aux dirigeants politiques et à l’élite économique à bien considérer que l’avenir de Madagascar se joue dans une large mesure, maintenant. Ensemble, nous pourrons mettre ce pays sur la voie du développement durable. Cela en appelle également à une responsabilisation des acteurs pour travailler au bien commun, pour le développement de ce pays. Pour la population dont les conditions de vie sont encore extrêmement difficiles, je souhaiterais qu’elle continue à faire preuve de vigilance vis-à-vis des dirigeants et de discernement pour bien soutenir l’effort de ceux qui travaillent pour le développement du pays.
Ma-LAZA : Quel est votre mot de la fin ?
Marc Gérard : Le mot de la fin, ce serait de souhaiter bonne chance à tout le monde en vue de passer ces élections de la manière la plus sereine possible. Je voudrais conclure sur une note d’espoir en soulignant que j’y crois. Je vois énormément de potentialités dans ce pays qui ne demandent qu’à fructifier et je souhaite vraiment que ce pays puisse se développer comme il le mérite.
Propos recueillis par Claudia R.
