L’affaire d’exportation illicite de 73,5 kg d’or animent les discussions tant dans le microcosme politique qu’auprès de simples citoyens. Les enjeux du recouvrement des avoirs a été abordé par Lamina Boto Tsara Dia, directeur général du service des renseignements financiers SAMIFIN lors d’une interview exclusive accordée à la rédaction.
– MA-Laza : L’affaire des 73,5 kg d’or saisis à Johannesburg a été soulevée au cours du conseil des ministres du 06 janvier dernier. La création prochaine de l’agence nationale de recouvrement des avoirs a été annoncée à cette occasion. Quels sont les principaux enjeux de la mise en place de cette agence ?
– Lamina Boto Tsara Dia : Le recouvrement des avoirs illicites est un volet essentiel dans la lutte contre la corruption. Pour combattre le crime, il ne s’agit pas seulement de mettre le délinquant en prison, il faut le priver des moyens de récidiver. Tant qu’il dispose de moyens financiers, il peut corrompre ou recommencer, refinancer d’autres activités illicites. Un trafiquant de bois de rose pourrait par exemple décider d’exporter illicitement de l’or, des pierres précieuses ou autres.
C’est une agence qui sera en charge de la gestion et du recouvrement des avoirs obtenus de manière frauduleuse, en attendant une décision définitive de la juridiction saisie de l’affaire. Dans notre système actuel, il est quasiment impossible de gérer de façon optimale les biens mis en cause dans le cadre d’une procédure pénal qui peut durer un certain nombre d’année. Une voiture saisie peut être exposé au soleil et aux intempéries et perdre sa valeur au bout d’un an. Lorsque le tribunal va prendre sa décision, aussi bien le propriétaire que l’Etat vont se retrouver avec une épave qui n’aura plus aucune valeur. D’où la nécessité d’une bonne gestion de ces biens saisis. Avec la loi sur le recouvrement des avoirs, le bien saisi peut être mis en vente pour éviter qu’il ne perde de sa valeur. La somme ainsi obtenue est placée dans un compte bancaire. Si la personne est condamnée, l’argent va à l’Etat et si la personne est relaxée, l’argent lui revient.
L’agence va collaborer avec les institutions nationales et internationales, de concert avec la justice.
-MA-Laza : Qu’est ce qui a fait que la mise en place de cette agence ait pris un certain retard?
– Lamina Boto Tsara Dia : L’adoption d’une loi sur le recouvrement des avoirs illicites a toujours été ajournée par le parlement depuis 2017. Le texte à la base de la mise en place de l’agence lui-même a pris du retard. C’était une décision courageuse de l’exécutif d’adopter l’ordonnance sur le recouvrement des avoirs illicites. 2020 a été une année compliqué notamment pour Madagascar. Je félicite la décision prise en conseil des ministres. Cette agence de recouvrement des avoirs va parachever les réformes sur la mise œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. C’est le dernier maillon qui manque au système et qui va vous permettre d’optimiser l’efficacité de l’ensemble du système anti-corruption.
– MA-Laza : L’exportation illicite des 73,5 kg d’or est un sujet d’actualité brûlant. Le SAMIFIN a-t-il été saisi de cette affaire ? Quelles sont les dispositions prises par le service de renseignements financiers dans pareille situation ?
– Lamina Boto Tsara Dia : Par principe, je ne parlerai pas d’une affaire en particulier. Depuis la mise en place de la loi actuelle sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le SAMIFIN peut se saisir de toute information liée à du blanchiment de capitaux. On a un système de collecte et d’exploitation de l’information. On peut aussi être sollicité par une autorité judiciaire ou administrative dans ce sens. La loi nous permet de le faire. Le blanchiment n’est pas à écarter même si l’on parle toujours de fraude ou de crime organisée en général… Il appartient au SAMIFIN de voir dans quelle mesure il peut intervenir dans le cadre de ses missions et de ses compétences sans empiéter sur la compétence des autres structures. Nous, on travaille sur l’aspect blanchiment, transformation, déguisement, constitution d’avoir dans une autre juridiction. On a déjà enquêté sur ce genre de criminalité et on continue de le faire tant que cela coïncide avec la mission du SAMIFIN
– MA-Laza : Votre mandat en tant que directeur général du SAMIFIN prend fin. Etes-vous satisfait de ces quatre années ?
– Lamina Boto Tsara Dia : Satisfait ? Non parce que je m’attendais à réaliser plus. De ce qui a été accompli et de l’équipe avec laquelle j’ai pu travailler d’arrache-pied, oui, je peux avoir une certaine satisfaction. On a réussi à mettre la lutte contre le blanchiment de capitaux au centre des débats, des réflexions et des actions contre la corruption. Une certaine visibilité a également été donnée au service dans l’environnement global de la lutte contre la corruption et des flux financiers illicites.
Beaucoup reste à faire et cela s’inscrit dans le principe de la continuité. Je ne pourrai que souhaiter au SAMIFIN de réussir dans sa mission, et de toujours performer davantage dans cette lutte de longue haleine
– MA-Laza : Quel serez votre mot de la fin ?
– Lamina Boto Tsara Dia : Je réitère mes souhaits pour une année meilleure dans tous les cas, loin de toutes les pandémies , mais surtout une année où on pourra porter des actions décisives contre la criminalité organisée dont le blanchiment de capitaux et la lutte contre le financement du terrorisme.
Propos recueillis par Claudia R.
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