Coopération avec le nouveau régime : La Chine prend une longueur d’avance
Une délégation chinoise de haut vol sera dans nos murs. Elle est conduite par Ming Zhang, vice-ministre chinois des Affaires Etrangères. C’est la première délégation officielle étrangère à venir à Madagascar, après l’investiture du Président Hery Rajaonarimampianina. La Chine dépêche une délégation bien que le Président malgache n’ait pas encore nommé un Premier ministre et un gouvernement, Pékin ne s’en émeut pas. La Chine est réputée pour son art culinaire de flatter le palais. Cela s’appelle le fondu politique chinois.
L’Occident s’est contenté des messages de félicitation et de soutien. Il attend la fameuse réunion des bailleurs de fonds (probablement dans le cadre du groupe consultatif et c’est généralement la Banque mondiale qui assure les invi tations pour la réunion qui se tient habituellement à Paris).
L’Occident est connu pour ses agendas internationaux et ses longs préparatifs techniques. Les pays de l’Orient, eux, ont la réputation de travailler vite et efficacement. Le Japon, par exemple, est le premier pays bailleur de fonds à se manifester et à manifester sa volonté de travailler avec le nouveau régime. Par son ambassadeur, Tokyo a eu des entretiens avec le Président de la République pour relancer des projets économiques et sociaux qui lui tiennent à coeur dont l’adduction d’eau, le développement agricole dans le deep south.
La Chine aurait probablement préféré être le premier pays inscrit dans le livre d’audience réservé aux chancelleries. Mieux vaut tard… Pékin se dépêche. Il dépêche son Vice-ministre des Affaires étrangères avec, à ses côtés, certainement, des responsables qui connaissent le dossier Madagascar du bout de la baguette. C’est encore une petite délégation officielle. Elle va tâter le terrain. Elle pourrait parler des mines, des hydrocarbures, de l’éducation, des liens commerciaux, du bois de rose (dossier chaud en ce moment)… Pourquoi pas des bus négociés par le précédent régime ?
Il y a la Chine et la Chine. Celle qu’on côtoie par ses migrants qui ont transformé des quartiers entiers en des rues commerçantes ou ceux qui ont ouvert des restaurants ici et là. Ou encore ceux qui ont transformé des maisonnées aux 67 Ha en magasin de stockage de pierres semi précieuses, achetées à des prix dérisoires. Cette Chine, c’est vrai, est installée.
Les Malgaches s’habituent à leur présence, à leurs comportements parfois doux, souvent violents. Surtout entre eux. On parle même de la présence de la triade dans la Grande Ile… Et jusqu’ici, on n’a pas encore de version officielle chinoise quant au trafic de bois de rose, bien que des ports chinois aient été souvent cités comme lieux de débarquement.
« LA CHINE S’EST INSTALLEE POUR NE PAS REPARTIR »
Mais il y a l’autre Chine. Moins connue. Très officielle. Mais qui, derrière, dispose de chiffres révélateurs et pour l’Occident et pour le tiers-monde que nous sommes. Tenez-vous bien :«En 2000, le commerce sino-africain passait la barre des 10 milliards de dollars. Il a décuplé en un peu moins d’une décennie pour atteindre 100 milliards de dollars en 2008. Et en 2012, la Chine et les pays africains ont échangé 198,49 milliards de dollars. Le seuil de 200 milliards devrait être franchi en 2013. Le livre blanc, le rapport officiel chinois, regorge de chiffres assez éloquents sur la transformation des liens commerciaux entre les deux régions, tout en insistant fortement sur le caractère bilatéral de ces échanges. De fait, la balance commerciale entre les deux régions penche en faveur de l’Afrique : sur les 198,49 milliards de dollars d’échanges commerciaux réalisés en 2012, 85,319 milliards étaient constitués d’exportations de la Chine vers l’Afrique contre 113,17 milliards d’exportations africaines. »
Impressionnant. La Chine s’est installée pour ne pas repartir. C’est vrai, en Angola, RDC, Congo Brazzaville, Zambie, Egypte, Soudan, Afrique du Sud, Nigeria… C’est plus que vrai pour Madagascar. Ratsiraka, Zafy, Ravalomanana, Rajoelina… Nos anciens Présidents sont friands de chinoiseries. Normal, l’Occident, c’est souvent décevant. Cela met des mois à débloquer un budget. La Chine c’est comme la soupe, c’est facile à digérer. C’est aussi bon que les canards laqués et autres mets succulents concoctés au Canton. Et au bout du compte, nous sommes devenus le bol de riz quotidien des Chinois.
LIVRE BLANC ET LIVRE ROUGE
A Madagascar, les gros investisseurs chinois sont dans les grandes infrastructures immobilières ou routières. Ils concurrencent les Américains, les Canadiens et les Indiens dans les mines, le pétrole. Qui ne connaît pas les faits d’armes de Mainland concernant l’exploitation de l’Ilménite sur le littoral Est? Qui ne connaît pas l’essor des importations des produits électroniques chinois ? A Tana, on mange chinois, on s’habille chinois, on chausse chinois… Et même si c’est du toc, cela ne fait rien. Ca ne dure jamais un mois mais la fiche de paie du malgache moyen n’en souffre pas. Bien au contraire.
Pourquoi les relations entre la Chine et l’Afrique se sont –elles développées ? Réponse du rapport dénommé : livre… blanc (Pékin n’a pas pour autant oublié le rouge)
« Ce n’est pas le fruit du hasard. Pékin insiste notamment sur les exemptions tarifaires accordées aux pays africains : en janvier 2012, les 30 pays africains les moins avancés « ayant établi des relations diplomatiques avec la Chine » ont bénéficié d’exemptions de droits de douane sur 60 % des produits exportés en Chine. Sur l’année 2012, cela représenterait 910 millions de yuans (147,6 millions de dollars) de droits de douane non-perçus sur 1,49 milliards de dollars de marchandise – à peine 1,3 % des exportations africaines vers la Chine.
La prédominance des exportations de matières premières et – corollaire inévitable – la sous-représentation des biens manufacturés et des produits à forte valeur ajoutée sont les points faibles de la coopération sino-africaine ».
La Chine est à Madagascar. Elle est là. Bien là. Elle va marquer davantage son territoire par rapport à l’Occident. Cette délégation va jauger le nouveau Président de la république. Puis, sans connaître celui du Shanghai Express, le scénario est connu : Hery Rajaonarimampianina et son épouse seront invités à une visite officielle en Chine. Dire que les Etats-Unis n’ont pas invité la Chine à Madagascar où un vent de renouveau souffle, au fameux forum Etats-Unis/Afrique au mois d’août de cette année… La Chine, elle, ne perd pas le nord. Ni le Sud… Et à défaut du win win, place au « chine chine » …
E.A
