Le B-a-Ba d’un mouvement populaire
Le sénateur Lylison a déclaré dans la soirée de lundi bloquer toutes les activités dans tout le pays. Il aurait voulu faire de Tana et des autres villes de province des villes mortes. Une initiative audacieuse dans la mesure où l’Etat réagit très vite dans des cas de la sorte. On se souvient encore de l’arrestation quasi immédiate de Marc Ravalomanana dans la journée qui a suivi son retour d’exil en octobre 2014.
Tout le monde attendait donc avec impatience ce qui allait se produire hier, notamment dans la capitale. Hormis des barrages, installés de très bonne heure et faits de pneus et de bennes à ordures, dans plusieurs quartiers de la capitale, exécutés, bien sûr , par des hommes de main, rien ne donnait l’apparence d’une ville morte. Tout le monde vaquait à ses occupations, les commerces ont ouvert, les transports fonctionnaient, les élèves ont rejoint les bancs de leur école et les embouteillages toujours aussi monstres. On était loin des rues désertes de 2002, lorsque Ravalomanana a invité la population tananarivienne à cesser toute activité.
Pour des observateurs, les initiateurs du mouvement étaient trop pressés. Certes, une partie de la population, via les réseaux sociaux, a manifesté son rejet absolu du régime actuel, incapable de résoudre un tant soit peu les problèmes, des syndicats sont en grève et des tensions apparaissent un peu partout. Mais de là à en faire des prétextes pour des actions de désobéissance civile, c’était trop tiré par les cheveux.
La réussite d’un mouvement populaire dépend de plusieurs paramètres. Le principal est l’existence d’une base qui a obtenu l’adhésion de la population. En 1972, c’était la lutte pour un enseignement égalitaire, en 1975, l’adoption de l’idéologie socialiste, en 1991, c’est l’inverse, en 2002, c’était le « 1er tour de vita » de Ravalomanana, et en 2009, c’était la lutte pour le changement. Le second paramètre est la personnalité qui dirige ou qui est accepté par la population comme le leader du mouvement. Ce leader peut être une seule personne (Ratsiraka, Ravalomanana ou Rajoelina) ou une entité qui regroupe plusieurs personnes (comme les Hery Velona en 1991). Un autre paramètre est la personnalté ou le statut même du leader. Il est de préférence… riche pour qu’il n’ait pas la tentation de puiser dans les finances publiques une fois au pouvoir. Ces paramètres là sont les plus importants et nécessaires pour pouvoir entraîner les gens dans la rue et renverser un régime.
Les initiateurs du mouvement actuel réunissent-ils toutes les conditions pour réussir leur coup et respectent-ils tous ces paramètres ? Loin s’en faut. Les leaders actuels, s’ils ne traînent pas des casseroles, ont des antécédents qui ne militent pas en leur faveur. C’est ce qui explique, en partie, l’échec de la tentative d’hier. Ils ont promis de poursuivre leur mouvement, au moins jusqu’au 26 juin. Pourquoi cette date ? Pour que Madagascar célèbre sa vraie indépendance, répondent-ils. Soit…
