Conjoncture : La désignation du PM est verrouillée par la HCC
La HCC est claire et nette sur trois points dans le mode de présentation du Premier ministre :
Primo, le pouvoir de désignation ne s’obtient pas par rapport au nombre total des sièges.
« La présentation du Premier ministre, aucune disposition de la Constitution ne fait référence à une qualification de majorité quelconque, relative ou absolue ; que de telles qualifications de majorité sont réservées à la procédure législative et sont requises pour le fonctionnement de l’Assemblée Nationale ; que les attributions de l’Assemblée Nationale se limitent essentiellement à élaborer et voter les lois, d’une part et, d’autre part, à exercer un contrôle du Gouvernement ; ».
Secundo : les indépendants sont exclus du débat. Que font-ils dans cette Assemblée ?
« Il y a lieu de tirer la conséquence que la présentation du Premier ministre ne relève pas de la compétence de l’Assemblée Nationale et partant, des députés élus, mais bien de celle du parti ou du groupe de partis ayant présenté des candidats aux élections législatives, à l’exclusion expresse et évidente des indépendants qui, dès leurs candidatures, n’ont pas pu se regrouper sous la bannière d’une idéologie commune et unique » .
Tertio : Clac verrouillage. Cela va se jouer avec le MAPAR. Les autres partis légaux n’ont pas droit au chapitre. Car il leur est impossible de se regrouper post-électoralement.
« La notion de majorité pour la présentation du Premier ministre ne saurait résulter d’une coalition post électorale de partis, mais plutôt d’un constat issu des résultats définitifs proclamés par la Cour Electorale Spéciale et faisant ressortir le parti ou le groupe de partis légalement constitués ayant déposé une liste unique et commune lors du dépôt des candidatures et ayant obtenu le plus grand nombre de députés élus ».
Le MAPAR peut se frotter les mains. Il a bien travaillé les élections. Il a présenté un flanc unique en misant sur l’image de l’ancien président de la Transition. Il dispose de 49 députés à qui il est formellement interdit le nomadisme. Ce bloc va, sur la forme donc, présenter le Premier ministre. « Cette décision de la HCC va à contre-courant du changement actuel qui préconise le rassemblement et l’ouverture», réagissent des députés indépendants, visiblement outrés de ce qu’ils qualifient de « juridisme » et arguant même que « les membres de cette HCC sont proches de l’ancien président de la transition et sont, de ce fait, juge et partie. C’est pour cela que ce fut la CES qui était chargée de proclamer les résultats officiels des élections présidentielles et législatives».
UNE DECISION QUI FERA JURISPRUDENCE
Poussant plus loin l’analyse de cette décision de la HCC, prenons une hypothèse d’école : les résultats officiels des Législatives ont été proclamés : chaque parti ou groupe de partis a gagné en moyenne 5 sièges. Un groupe de partis est classé premier. Il a obtenu 15 sièges. En tablant sur l’interprétation de la HCC qui va faire jurisprudence, ces 15 députés vont présenter le Premier ministre. Ce sera d’un ridicule… Fort heureusement, ce n’est qu’une interprétation d’une… interprétation.
Le Président de la République et son équipe suivent ce qui se passe à l’Assemblée nationale. Il a donné, entre les lignes de son discours, le profil de ceux qui vont travailler avec lui. Il est l’élu au suffrage universel direct par un vote national et non régional, comme les députés. La Constitution lui donne le dernier mot. Les députés majoritaires présentent un Premier ministre, il nomme. C’est-à-dire qu’il peut aussi engager le bras de fer et ne pas le nommer s’il juge que la stabilité institutionnelle et la bonne marche des affaires de la République risquent d’être entravées.
Sur le fond, le MAPAR sait que la HCC lui a donné une bonne option. Oui mais…, il y a un « mais » : le débat ne s’arrêtera pas à la seule désignation du Premier ministre. La décision de la HCC fait mention d’un aspect important : « les qualifications de majorité, relative ou absolue, sont réservées à la procédure législative et sont requises pour le fonctionnement de l’Assemblée Nationale ; que les attributions de l’Assemblée Nationale se limitent essentiellement à élaborer et voter les lois, d’une part et, d’autre part, à exercer un contrôle du Gouvernement».
Retenez bien les mots «contrôle du gouvernement». Si les indépendants et les autres députés, actuellement, dépités et remontés, se regroupent, le MAPAR sera mis en minorité tout au long de l’exercice parlementaire. Autrement dit, ils auront la majorité. Vous devinerez la suite pour le futur Premier ministre et son gouvernement… De quoi faire réfléchir Rajoelina, Maharante et les autres prétendants. A moins de négocier avec le Président de la République pour trouver un Premier ministre de consensus. Accepté de tous. C’est-à-dire respecter la forme dans la désignation et négocier le fond dans la nomination. Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas nommer un Premier ministre neuf et non politique et qui n’a rien à voir ni à être redevable avec ces mic-mac ?
LE PERCHOIR RISQUE D’ECHAPPER AU MAPAR
Le cas échéant, il est clair que les autres députés ne vont pas rester les bras croisés et la présidence de l’AN risque d’échapper au MAPAR. 49 députés ne représentent que le tiers bloquant. Au mieux, il associe les autres députés au débat sur la désignation pour arracher un consensus et une majorité virtuelle. Pour présenter le PM au nom de la plateforme. Au pire, il joue en solo et avec condescendance.
Et la session parlementaire extraordinaire qui s’ouvre aujourd‘hui donnera le ton général. Dans tous les cas, vu la détermination des nouveaux députés, cette Assemblée nationale ne sera pas un panier à… crabes. Les indépendants sont les grandes victimes de cette décision de la HCC. Ils sont devenus des députés de seconde zone.
La Communauté internationale, elle, pèse de tout son poids pour en finir avec la transition. Et mettre Madagascar sur les rails du changement en matière de gouvernance et de gouvernants. Pour elle, Hery Rajaonarimampianina est le trait d’union obligé entre le régime transitoire et le nouveau régime pour éviter une rupture brutale et pour garantir l’apaisement. Le Président de la République connaît les enjeux. C’est un financier.
Madagascar a besoin et de crédibilité sur le plan international et d’opportunités sur le plan des investissements directs étrangers. Les caisses de l’Etat sont vides. On ne peut pas mettre en marche la planche à billets. Il faut se préparer aux contrecoups de la gestion pilotage à vue durant la transition.
Il aura besoin d’un Premier ministre qui partage cette vision et qui sera sous ses ordres. Uniquement. C’est difficile de voir Andry Rajoelina jouer ce rôle. Et un régime dominé par le MAPAR sera, en quelque sorte, une transition teintée orange.
Mais, allons bon. Toutes ces supputations n’ont que trop duré. Qu’on en finisse pour passer à d’autres chapitres. Comme la formation des membres du nouveau gouvernement, par exemple.
E.A
