Avec la crise sanitaire, l’économie est au ralenti. De l’avis de l’économiste Falihery Ramakavelo, il va falloir entrer dans « une économie solidaire » et miser sur l’or. Il a bien voulu répondre aux questions de la rédaction.
– Ma-LAZA : Que pouvez-vous dire des impacts de la pandémie de Covid-19 sur l’économie à Madagascar ?
– Falihery Ramakavelo : La Covid-19 a eu un impact majeur sur l’économie, non seulement à Madagascar, mais dans le monde. Le fait de ne pas avoir travaillé pendant cinq mois ne peut que détruire l’économie. L’indicateur le plus révélateur de l’économie est le Produit Intérieur Brut. Le PIB est la somme des valeurs ajoutées des entreprises, la somme de la création de richesses. Quand les entreprises ne travaillent pas, il n’y a pas de création de richesse. Madagascar a un PIB d’environ 12 milliards USD, soit près de un milliard USD par mois. Chaque mois où on ne travaille pas, on perd un milliard USD. L’aide extérieure ne suffira pas à ramener le pouvoir d’achat des citoyens ni à ramener l’économie au niveau de 2019. Il va falloir travailler dur. Redresser l’économie n’est pas impossible, mais cela va être difficile.
Le paludisme fait plus de victimes que le coronavirus, mais personne n’a peur de cette maladie, car on connaît les médicaments. Il importe d’agir dans ce sens si on veut sauver les personnes et avoir une économie saine. Il faut communiquer non seulement sur les mesures curatives et les médicaments dont l’efficacité a été prouvée, mais aussi sur les mesures préventives. Les citoyens seront davantage rassurés tout en appliquant les dispositions nécessaires. Tant qu’on travaille avec une crainte et une atmosphère anxiogène, cela ne va pas aider à redresser l’économie. Vivre normalement est la condition première pour rétablir l’économie. Il faut ensuite former, investir…, des mesures classiques pour redresser l’économie.
– Ma-LAZA : Beaucoup d’entreprises font face à des problèmes de trésorerie. Comment pourraient-elles sortir la tête hors de l’eau ?
– Falihery Ramakavelo : Le problème de trésorerie est un problème complexe. Ce sont surtout les petites entreprises qui font face à des difficultés majeures. Lorsque l’économie est au ralenti, peu de gens vendent, peu de gens achètent et cela va diminuer les chiffres d’affaires. Quand une banque voit que votre chiffre d’affaires ne décolle pas, elle ne prête pas. Malheureusement dans une situation de crise, les banques ne financent que les entreprises les plus solides. Et ce sont ces entreprises solides qui sortiront gagnantes. Si on veut s’en sortir, il va falloir entrer dans « une économie solidaire », par la mise en place de mutuelle ou d’association pour créer des activités nouvelles ou investir dans des activités que les banques ne financent pas. Il n’y a pas de solution miracle. Il faut agir. Les banques ne peuvent pas aider tout le monde, elles sont aussi en difficulté.
-Ma-LAZA : Avec la crise, l’Ariary ne cesse de se déprécier face à l’Euro. Comment pourrait-on la stabiliser ?
– Falihery Ramakavelo : Il y a une baisse assez significative de l’Ariary, comme il y a plus d’importation que d’exportation. Mais nous avons une «fenêtre d’opportunité historique». Avant même la pandémie, des Etats ont fait face à une crise financière liée à un problème de surendettement en Europe, mais aussi à un problème de manque de compétitivité par rapport à l’Asie. Avec la Covid-19 en plus, les monnaies fortes que sont l’Euro et le Dollar vont se dévaluer par rapport à l’or.
Aujourd’hui l’or devient stratégique. C’est grâce à l’or que l’économie monétaire va à nouveau refonctionner. Puisqu’on a un produit stratégique, il faut l’exploiter. Si on a une réserve d’or à Madagascar, cela nous permettrait d’en vendre à l’extérieur. Moi j’ai toujours suggéré que l’Etat laisse libre la collecte. Par contre, l’exportation devrait être réservée à l’Etat. Ce qui lui permettrait de rapatrier les devises et stabiliser ainsi le taux de change à Madagascar. Si notre réserve d’or est importante, on pourrait également appliquer un taux de change fixe entre l’or et l’Ariary.
-Ma-LAZA : Quel serait votre dernier mot ?
– Falihery Ramakavelo : Courage ! Restons optimistes, c’est important. Il est temps aussi de changer de mentalité : faire les choses sérieusement, être plus honnête et croire en Dieu. Je pense qu’on en a besoin car les temps sont vraiment difficiles.
Propos recueillis par Claudia R.
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