Entre manif et manip
Les images des journalistes agenouillés et entourés d’hommes en treillis ont fait le tour du monde. Les réactions n’ont pas tardé, condamnant les militaires et encourageant les hommes des médias dans leur lutte pour obtenir un autre ajournement de l’adoption du code de la Communication médiatisée à l’Assemblée nationale. Les images montrent bien l’enjeu de ce qu’on entend par « cybercriminalité ». D’une part, des journalistes à genoux et mains sur la tête, comme des prisonniers ou des bandits de grand chemin arrêtés par les gendarmes. D’autre part, des hommes armés qui donnent l’air d’exposer leur prise de guerre.
Si les images ont été diffusées en No comment, chacun aurait fait sa petite interprétation. Mais comme des journalistes ont laissé entendre qu’ils ont été forcés par les gendarmes dans des commentaires sur le net et dans des interviews, alors là, on sent la manipulation à plein nez. Car d’autres journalistes ont également raconté ce qui s’était vraiment passé et ont réfuté que les gendarmes les ont obligés à s’agenouiller. Ces derniers d’ailleurs se sont expliqués lors d’une conférence de presse sur cet « incident » qui n’en est pas un à leurs yeux.
Tout compte fait, certains journalistes se décrédibilisent eux-mêmes et détournent la cause si noble de cette lutte pour obtenir la liberté de presse. Les bailleurs de fonds et ceux qui ont contribué à l’élaboration du code de la Communication, à l’instar du PNUD, ne s’y sont pas trompés d’ailleurs et se sont diplomatiquement désolidarisés des journalistes. Ils ne veulent plus être un groupe de pression ni des médiateurs, se contentant de renvoyer la balle aux journalistes et au gouvernement pour la reprise du dialogue, tout en admettant qu’effectivement, des modifications importantes ont été apportées au texte initial.
Car la pitoyable mise en scène de mercredi dernier est l’illustration parfaite du danger de la désinformation et de la manipulation des faits. Pour ceux qui ne comprennent pas la « cybercriminalité », tous les ingrédients sont là : des faits tronqués, des commentaires libres et des informations intéressées qui ne laissent la place ni aux recoupements ni aux autres versions, le tout balancé sur le net par les réseaux sociaux ou par d’autres canaux comme YouTube. Les victimes qui peuvent porter plainte dans cet « événement » de mercredi sont les gendarmes et ceux qui ont été témoins de cette scène. Et dans le nouveau code, s’il est adopté et devient une loi, les auteurs des posts pourraient être lourdement condamnés. Les journalistes ont eux-mêmes aiguisé l’épée qui leur coupera la tête.
La manipulation politique dans tout ça ? Enerver les députés pour qu’ils votent le projet de loi. Comme ça, les politiciens et les opérateurs véreux, les trafiquants de tout acabit, seront à l’abri des investigations et des dénonciations compromettantes dont ils feront l’objet. Car dans le projet de loi entre les mains des députés, même divulguer un nom sur Facebook est «punissable» à cause de la présomption d’innocence. Et vlan !!!
