Quel développement ?
Le concept de pays en voie de développement est né au moment des indépendances en Afrique quand les pays anciennement colonisés se sont affranchis des colonisateurs. Terme plus flatteur que le fameux « sous-développé », « en voie de développement » suppose un effort certain des nouveaux tenants du pouvoir dans les pays naissants.
Néanmoins, une question se pose : de quel développement parle-t-on ? S’agit-il de rattraper le chemin parcouru par les anciens colonisateurs et de viser leur niveau de vie ? Ou de s’approprier leurs us et coutumes, leurs cultures et de faire comme eux ? Avant l’invasion du numérique et des nouvelles technologies, le principal grief des intellectuels des pays nouvellement indépendants envers leurs colonisateurs, en particulier, et le monde occidental en général, est l’acculturation des jeunes africains, submergés par les modes de vie à l’européenne et les effets néfastes de la culture cinématographique et télévisuelle des années 60, 70 et 80. Les premières conséquences d’une telle invasion sont le rejet par les jeunes de leur propre culture, l’oubli progressif de l’échelle de valeurs propre aux pays colonisés (le fihavanana, le tsiny et le tody pour les malgaches) et l’inéxorable glissement vers la disparition des cultures.
Le monde occidental, en général, et certains pays asiatiques, sont classés parmi les plus riches et les plus « développés » actuellement. Généralement, ils servent de modèles pour le reste du monde. Pour le simple malgache, effectuer un voyage ou résider en ces lieux est un signe de réussite. Contrairement aux étrangers qui sont envoyés travailler dans une contrée éloignée de chez eux et qui prennent leur affectation pour un exil, sauf pour de rares cas. Le malgache ou l’étranger saisit tout de suite le contraste : d’un côté l’opulence et la vie facile et de l’autre la misère et la promiscuité.
Plus particulièrement pour notre pays, si le développement est synonyme de richesse, nous sommes plus riches que les riches avec nos ressources naturelles. Mais nous ne savons pas ou n’avons pas les moyens de les exploiter. C’est là un signe de notre sous-développement. De ce point de vue, nous savons donc où aller : se procurer des matériels d’exploitation pour pouvoir jouir de nos richesses. Nous avons également des médecins et des chirurgiens bardés de diplômes mais qui n’ont pas les blocs opératoires pouvant leur permettre d’exercerleur talent : c’est là aussi un signe de sous-développement. Idem pour l’enseignement, l’élevage, l’agriculture, les routes qui sont les artères d’un pays… Quand tout cela est déficient, l’on peut dire qu’un pays est pauvre ou sous développé ou en voie de développement. Mais d’autres richesses, plus subjectives et non comptables existent. Parmi elles, la culture. Celle qui différencie un pays d’un autre. Madagascar a par exemple la langue malgache, unique, que l’on parle aux quatre coins du pays. Nous-mêmes ne savons pas que c’est une richesse exploitable. Car avec elle, nous pouvons nous comprendre, nous parler, nous convaincre… pour savoir où nous voulons mener ce pays et vers quel développement aspirons-nous ?
