Bien que le Fonds Monétaire International n’a pas vocation à s’immiscer dans la politique, le représentant du FMI à Madagascar ne manque pas de livrer son point de vue sur les affaires nationales, notamment sur les élections. Il a d’ailleurs adressé un message fort aux deux candidats en lice pour le second tour du 19 décembre prochain.
Amendements du projet de loi de finances 2019, projets des candidats aux présidentielles, élections…constituent autant de sujets abordés par le représentant du Fonds Monétaire International au cours d’une interview accordée à la rédaction. Les détails.
MA-Laza: Les parlementaires ont apporté des amendements au projet de loi de finances 2019 avant son adoption, notamment une réduction de 50 milliards d’Ariary à la subvention allouée à la Jirama. Qu’en pensez-vous?
Marc Gérard: La subvention de la Jirama doit baisser mais cette baisse doit se faire d’une manière graduelle et dans le cadre d’une réforme d’ensemble du secteur énergétique. Par là, on entend à moyen terme organiser la transition énergétique en faisant notamment appel aux potentiels hydroélectriques du pays. Mais à court terme il est important que les besoins de la Jirama soient couverts par ses ressources si l’on veut éviter des problèmes d’approvisionnement.
La subvention de la Jirama était l’année dernière de 450 milliards Ar, représentant plus du budget de la santé et de l’éducation réunis. Cette année, elle a baissé déjà en dessous de 310 milliards et dans le projet de loi de finances le mouvement se poursuit parce qu’on prévoit une baisse de subvention aux alentours de 255 milliards Ar. C’est un chiffre négocié dans le cadre d’un business-plan en cours de la Jirama. Des réductions abruptes risqueraient de mettre en péril l’équilibre financier de la compagnie. C’est un mouvement que nous souhaitons éviter.
MA-Laza: Pouvez-vous nous rappeler les priorités du FMI en matière de développement économique?
Marc Gérard : L’une des priorités est de mobiliser les recettes, le niveau actuel ne permettant pas de couvrir les missions que l’Etat entend accomplir. Il est également nécessaire de prioriser les dépenses pour dégager des fonds dans le secteur de la santé et de l’éducation. A cet égard, la loi de finances comprend des avancées intéressantes notamment une augmentation du budget de la santé. Nous sommes un peu soucieux de la stagnation en matière d’éducation.
Je voudrai aussi noter que les amendements comprennent certaines mesures que nous allons suivre, tel est le cas de l’augmentation des investissements au niveau local. Nous soutenons une hausse de l’investissement en général mais là encore il faut que ce soit dans le cadre d’un plan d’ensemble, d’une stratégie globale de développement et non pas de mesures couteuses qui ne sont pas forcément efficaces. Par ailleurs nous ne voyons pas vraiment bien l’utilité d’une baisse des droits d’accises sur les télécommunications. S’il s’agit d’augmenter la couverture de la téléphonie mobile sur le territoire malgache, il existe d’autres instruments plus efficaces qui pourraient être envisagés.
MA-Laza : En cette période de campagne électorale, les deux candidats annoncent des projets prometteurs mais est-ce réalisable, avec le plafonnement des dettes?
Marc Gérard: Je n’ai pas rencontré les deux candidats eux-mêmes mais j’ai discuté avec leurs collaborateurs comme je l’ai fait pour d’autres candidats. Le FMI n’a pas vocation à soutenir l’une quelconque des parties en présence à cette élection. Nous gardons un œil sur le programme des candidats mais nous n’entrons pas dans une discussion de leur pertinence. Le candidat nouvellement élu aura une opportunité historique de faire avancer un certain nombre de choses puisqu’il bénéficiera d’un travail qui a été accompli dans le cadre du programme mis en œuvre depuis maintenant deux ans. Il aura une opportunité de poursuivre cette action dans la durée, de s’appuyer sur ces acquis pour aller plus loin. Les sujets sont identifiés et de manière très constructive. Ces sujets sont bien présents à l’esprit des états-majors des deux candidats. Nous n’avons pas d’incertitude sur la marche à suivre.
En ce qui concerne le plafond d’endettement, aux côtés du FMI vous avez tous les bailleurs bilatéraux et multilatéraux. La contrainte de financement ne sera pas un problème si les projets de développement s’inscrivent dans une démarche concertée, en respectant un certain nombre de règles de transparence. C’est une discussion à voir avec le gouvernement nouvellement nommé. La stratégie de développement de Madagascar est avant tout celle du gouvernement, nous l’appuyons dans la mesure du possible.
MA-Laza: Que pensez-vous de l’éventualité d’une crise post-électorale. Une telle situation altèrera-t-elle de nouveau la relation avec le FMI?
Marc Gérard: Je ne peux pas prédire l’avenir. Il est possible qu’une crise conduise à une interruption des relations non seulement avec le FMI, mais l’ensemble de la communauté internationale. C’est une éventualité à laquelle je ne crois pas trop. Je pense que la population a payé le prix fort des crises passées et tous les acteurs (administration et candidats) sont bien conscients qu’une crise politique majeure porterait incroyablement préjudice au développement économique et social du pays. Contrairement aux appréhensions, cette élection s’est déroulée dans le calme. Au premier tour, les gens ont voté et ont fait preuve d’énormément de dignité alors qu’on avait entendu des pronostics particulièrement alarmants. J’espère que c’est l’état d’esprit qui va continuer à prévaloir.
MA-Laza : Quel serait votre mot de la fin?
Marc Gérard : Mon mot de la fin ce serait de souhaiter à la population que les élections se passent au mieux. Il s’agit d’un moment historique. J’espère que les deux candidats travailleront pour l’histoire : l’un en acceptant sa défaite et l’autre en n’abusant pas de sa victoire. Il en va de l’intérêt du pays et de notre capacité à travailler ensemble pour résoudre les problèmes fondamentaux que sont la corruption, la pauvreté. Je voudrai souhaiter à tous et à toutes une bonne élection.
Propos recueillis par Claudia R.
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