Tribunal militaire : Les vrais enjeux
On attend la nomination du Premier ministre. Même rengaine. Disons qu’on attend une nouvelle… attente et on s’attend même à ce que cette nouvelle attente ne corresponde pas aux attentes des uns et des autres. Trêve de verbiages… les civils attendent. Des militaires et pas des moindres, eux, attendent qu’on regarde leur situation. Il s’agit des prisonniers militaires de la transition… Garde à vous ! Attendez un peu…
Une bonne douzaine de militaires croupit en prison. Ils attendent un nouveau procès. Ce sont des officiers généraux et militaires, impliqués dans des affaires nébuleuses perpétrées durant la transition dont principalement les mutineries de la FIGN et de la BANI. Des affaires liées aux différends politiques qui opposaient les mouvances Rajoelina et Ravalomanana. Il faudrait rapidement penser mettre en place un tribunal militaire, selon des spécialistes. Les militaires n’ont pas le statut des civils. Ce n’est pas un traitement de faveur. Mais l’application d’un principe légal, indique-t-on.
L’apaisement et la réconciliation au sein des Forces armées sont-ils d’actualité ? Les avis divergent. Le régime de transition a tout, le mot n’est pas fort, fait pour avoir le soutien de l’Armée : promotion, primes et autres avantages non communiqués au grand public. Le célèbre « commandant » Charles, devenu lieutenant-colonel Charles, à la tête du CAPSAT, a été l’un des artisans du coup de force qui a obligé Marc Ravalomanana à accepter la solution exil, proposée par les Etats-Unis et l’Afrique du Sud. Il n’était pas le seul officier engagé aux côtés de Rajoelina en 2009. Il y avait également d’autres officiers supérieurs dont le nommé ministre des forces armées… limogé trois années plus tard. Ces deux officiers étaient devenus persona non grata du régime qu’ils ont mis en place. Le Lt-Colonel Charles Andrianasoavina fut écarté de la FIS. Tous ont basculé dans l’opposition et devenus des ennemis que le régime Rajoelina a vite neutralisés. Et mis en prison. Le Général Noël Rakotonandrasana a obtenu, entre temps, une liberté provisoire. Le Lt-Colonel Charles Andrianasoavina avait pu bénéficier d’une évacuation sanitaire et il est à La Réunion actuellement. Il avait publié des sulfureuses révélations sur le rôle de tous les auteurs du coup, sur la somme faramineuse distribuée, sur les sponsors de l’opération.
Sous d’autres cieux, pour moins que ça, des tête s seraient tombées, mais, à Madagascar, la culture de «l’anormal adoubé normal» a tenu la route… L’après-transition va-t-il passer sous silence ces anomalies politiques ? L’Armée en souffre. Et lorsqu’un caporal injuriait un Général, titré de chef d’Etat-major, l’éthique militaire prend un coup. Et, durant la transition, les officiers supérieurs avaient pris le pas sur les officiers généraux. Conscient de la gravité du problème, le régime de transition a trouvé le raccourci comme solution : la promotion. Le salut de la transition passait par les nouveaux généraux. Sacrés militaires ! Le régime de Rajoelina vous devait une fière chandelle.
Les Forces de l’ordre ne sont pas en odeur de sainteté avec l’opinion publique. C’est un grand défi qui se pose au Président de la République. L’opinion publique les considère beaucoup plus comme une force de répression qu’un rempart de la République, face aux dérives des politiciens. L’opinion réclame une Armée réconciliée avec ses valeurs premières et non complice de tout ce qui est, de près ou de loin, illégal. Une Armée qui s’engage réellement pour la protection des biens et des personnes et pour l’intégrité du territoire. L’exportation illicite de bois de rose aurait pu être stoppée si les Forces de l’ordre avaient eu la ferme volonté de le faire. Bien sûr, on peut toujours arguer la faiblesse des moyens. Mais pour casser des émeutes civiles, on avait quand même eu des moyens et d’énormes moyens.
L’Armée à la caserne ? C’est un peu fort. Mais il faudrait organiser des vrais états-majors des militaires, gendarmes et policiers pour restaurer la discipline, le sens de la hiérarchie. Mais également pour définir ensemble le rôle des Forces armées par rapport au programme de gouvernement du Président de la République.
