Crise sanitaire : Les recommandations du Syndicat des Pharmaciens de Madagascar

Dans la lutte contre la covid-19, les pharmaciens sont essentiels. Le président du Syndicat des Pharmaciens de Madagascar (SPM), le Dr Mora Edwin nous livre ses recommandations.

Ma-Laza : Que préconisez-vous pour une bonne gestion de cette crise sanitaire ?
Dr Mora Edwin: Les mesures d’exception prises par l’Etat vont dans le bon sens et devront être maintenues. Le droit à la santé passe par la garantie d’un accès à une médication adéquate et au bon prix. La levée de la restriction des horaires d’ouverture des pharmacies est louable. Ensuite il faut revoir les ouvertures et emplacements de nouvelles officines suivant la poussée démographique en grandes agglomérations mais aussi dans les campagnes par une amélioration des prestations des dépositaires de médicaments. L’USAID via le projet IMPACT a commencé un travail dans ce sens qui mérite d’être sérieusement accompagné par le gouvernement. Il faut aussi former plus de pharmaciens dans nos universités car une promotion d’une vingtaine de pharmaciens par an est largement insuffisante. Une bonne répartition des pharmacies et des dépositaires de médicaments limitera de facto les ventes illicites de médicaments.
Ma-Laza : Nous constatons une hausse verti­gineuse des prix des mé­dicaments, des pénuries et en parallèle des ventes sur les réseaux sociaux, comment expliquez-vous cela ?
Dr Mora Edwin: La hausse des prix et les cas de rupture sont dus à des facteurs exogènes comme la hausse du prix du fret, les contingentements par les pays producteurs, les demandes accrues des pays à fort revenu et à revenu intermédiaire comme les pays d’Asie, le bouleversement des routes commerciales et pour finir la dépréciation de l’Ariary. Tout cela impacte négativement sur les prix et crée des cas de rupture de médicaments. Il faut savoir que le pharmacien est à cheval entre la gestion pure de son entreprise, assurer les stocks, viabiliser sa structure, gérer son personnel… et le conseil au comptoir. Tout cela dans le respect des règles déontologiques de la profession. De part toutes ces qualités, il est en mesure d’apporter des solutions par l’adaptation du secteur aux réalités de cette nouvelles ère, avec sa démographie, ses maladies et ses avancées technologiques. Assurer l’approvisionnement en qualité, en quantité et avec un prix satisfaisant sans oublier les conseils aux patients.
Les médicaments sont stratégiques pour une Nation et la nôtre se doit de se l’approprier pour sécuriser sa production et sa disponibilité. Il est perçu dans le monde comme un produit coûteux sauf dans les pays où existent des assurances ou des mutuelles de santé qui rendent les produits plus abordables. Des efforts ont été entrepris par nos dirigeants pour mettre en place une future assurance universelle, mais il est grand temps de se donner les moyens pour sa concrétisation.
Nous pouvons aussi stimuler l’initiative privée pour créer plus d’usines pharmaceutiques sur place, faciliter l’enregistrement des nouveaux médicaments pour élargir l’offre, encourager les unités de production déjà existantes par l’adoption de mesures facilitatrices et penser à une création d’une centrale d’achat commune pour mutualiser les coûts afin de baisser les prix des médicaments.
Ma-Laza : Ces ruptures de stock ne sont-elles pas aussi une opportunité pour le marché noir ? Que faire pour éradiquer ce fléau ?
 Dr Mora Edwin: vous avez raison de vous inquiéter de ce désordre. Concernant cette pandémie de covid-19, le marché noir est en grande partie responsable des ruptures en détournant à leur néfaste profit les médicaments destinés aux structures autorisées comme les hôpitaux, les pharmacies et les dépositaires de médicaments. Notre Syndicat a initié depuis le début de l’année une collaboration avec le ministère de la Justice et les forces de l’ordre pour lutter de façon pérenne contre ce fléau. Cette fois-ci, nous prenons les devants pour le bien de la population avec l’appui de notre Ordre et de notre ministère de tutelle.
Outre les enquêtes et poursuites judiciaires, notre Syndicat propose de revoir l’arsenal juridique en criminalisant le marché illégal et d’intégrer dans la Brigade de lutte contre les Trafics et Consommation de Drogues, la loi sur les ventes illicites de médicaments. Concernant les ventes sur internet et les réseaux sociaux, il est temps que le pays se dote d’un cadre juridique pour permettre aux professionnels de s’y mettre, au détriment des illégaux pour mieux sécuriser la vente des médicaments.
Propos recueillis par L.R
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