Eric Koller : “Il faut sauver le porte-fanion national”

En dépit de certaines difficultés et des obstacles qu’Air Madagascar se doit de surmonter pour se redresser, son PCA et le personnel de cette compagnie nationale restent optimistes. La compagnie aérienne Air Madagascar a réussi son décollage depuis le partenariat stratégique conclu avec Air Austral. Dans une interview accordée à la Rédaction, Eric Koller, Président du Conseil d’Administration fait le point de la situation actuelle d’Air Madagascar.

Ma-LAZA : L’éventualité d’un partenariat stratégique entre Ethio-pian Airlines et Air Madagascar a défrayé récemment la chro-nique. Qu’en est-il exactement ?
Eric Koller : Comme je l’ai dit, rien n’a été signé ni approuvé pour l’instant. C’était juste une séance d’information et de discussion avec les dirigeants d’Ethiopian Airlines à Addis-Abeba. Nous suivons un business-plan bien détaillé que l’Etat malgache a validé avec le partenaire stratégique qu’est Air Austral. Cela va faire un an que nous avons mis en place le business plan d’Air Madagascar, un travail énorme a été réalisé.
Aujourd’hui, 90% de la flotte d’Air Madagascar sont opérationnelles, s’il y a un an, quatre avions sur onze fonctionnaient. Il a fallu injecter des dizaines et des dizaines de millions USD pour cela. Par ailleurs, des transferts de compétence avec Air Austral ont été mis en place au niveau des logiciels, la nouvelle filiale Tsaradia est opérationnelle et beaucoup de choses ont été faites. Si le business plan n’est pas tenu à la lettre, nous ne pourrons pas sauver la compagnie Air Madagascar.

Ma-LAZA : Que pensez-vous de l’Open Sky et comment perce-vez-vous le fait que Corsair arrêtera de desservir Madagascar l’an prochain ?
Eric Koller : Nous ne sommes pas contre l’open sky qui est réel à Madagascar. Nous n’avons pas abrogé des compagnies. Ce que nous voulons, c’est protéger la compagnie nationale. L’Etat malgache peut ouvrir le ciel malgache à d’autres compagnies, moyennant une compensation. Avec près 25 passagers emportés sur un vol d’Ethiopian, on calcule 100.000 Euros. 25 passagers c’est le minimum et représente 1,2 milliard d’Euros de compensations dans l’année. Après, il y a un dumping sur les prix. La compagnie est arrivée à Madagascar avec 300, 400 Euros moins cher que nous sur un vol Paris-Tana, on ne pourra jamais lutter contre cela. Plus de 65% des chiffres d’affaires d’Air Madagascar sont constitués des rotations sur Paris. C’est là où l’équilibre est très précaire.
Pour ce qui est de Corsair, c’est une mauvaise nouvelle. Nous ne désapprouvons pas l’arrivée de toutes ces compagnies, mais le jeu doit être égal. Si Corsair arrête, c’est à leur niveau. Ce n’est pas nous qui avons décidé de quoi que ce soit ni l’Etat. C’est Corsair qui a vu qu’un gros porteur n’est pas rentable sur La Réunion – Tana.

Ma-LAZA : Comment se porte l’équilibre de la compagnie?
Eric Koller : Notre équilibre pour sauver cette compagnie est très fragile. Les deux Airbus A340 sont de très bons avions, mais consomment énormément. Nous sommes en train de revoir les contrats avec les deux ATR, nous partirons certainement à Paris pour voir Air France pour les dossiers des deux Airbus afin de négocier avec eux. Nous prévoyons de changer ces avions pour avoir des avions plus rentables. Mais d’un côté, si nous avons une compagnie qui nous déstabilise, cela nous fera mal. Nous avons notre compagnie nationale à sauver. Nous ne sommes plus allés voir l’Etat pour demander un Ariary. On doit être actuellement à 212 milliards d’Ariary de dettes payées. Je suppose que d’ici Mars 2019, tous les arriérés seront apurés.
Le retour des fondamentaux, à savoir la ponctualité, la régularité, la sécurité d’Air Madagascar, était prévu initialement pour trois ans. Par rapport au business-plan, nous avons travaillé davantage et sommes optimistes. Le seul problème ce sont les chiffres liés au dumping auquel la compagnie fait face. Nous avions adressé une lettre à l’ACM, au ministère de tutelle les invitant à une table-ronde. Si on laisse faire, cela peut être très critique.

Ma-LAZA : Et qu’en est-il de la situation actuelle de Sofitrans ?
Eric Koller : Nous avons travaillé en étroite collaboration et de bonne foi. Dans le business-plan d’Air Madagascar, il y a aussi les filiales de cette compagnie nationale, comme Sofitrans. Nous ne voulons pas perdre nos filiales. Avec le contrat entre ADP, l’Aéroport d’Ivato et de Nosy-Be il y a des confusions. Nous avons participé à plus d’une dizaine de réunions avec eux pour voir comment on pouvait s’en sortir avec Ravinala Airports. A l’issue d’un accord de bonne foi, il y a eu un changement de direction et tout a changé avec un nouvel appel d’offres. Je suis d’accord qu’aujourd’hui Sofitrans ne soit pas aux normes internationales, mais on y arrivera. Avec un peu de temps et un budget prévisionnel pour le restaurant, on va réussir la rénovation en trois mois. En outre, nous avons resoumis une offre de duty-free. Je tiens à souligner que ces filiales là doivent rester «malgaches» et permettront de montrer notre savoir-faire.

Ma-LAZA : Quel serait votre mot de la fin ?
Eric Koller : Tant que je serai là, on fera tout pour sauver cette compagnie avec le partenariat stratégique. C’est mon devoir en tant que PCA. Air Madagascar, c’est notre fleuron, notre porte-fanion national. Notre devise c’est de sauver la compagnie avec du travail et de l’intégrité. Je tiens à clarifier que c’est Air Madagascar qui détient la majorité au sein du Conseil d’Administration. Air Austral n’est pas là pour nous enfoncer, mais pour sauver Air Madagascar. Plus Air Madagascar se porte mieux, plus Air Austral sera elle aussi en forme. Cette compagnie a besoin de nous tout comme nous avons besoin d’elle. C’est un partenariat 50-50, gagnant-gagnant.

Propos recueillis par Claudia R.

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