L’Etat de droit
L’enquête ouverte après l’incendie qui a failli se déclencher au domicile du président de la République et provoqué, semble-t-il, par un court circuit, met au grand jour les insuffisances du concept d’Etat de droit à Madagascar. Des agents de la Jirama ont été convoqués à la Brigade de recherche de Fiadanana. Selon les explications du Colonel Florens Rakotomahanina, Commandant de la Circonscription Régionale de la Gendarmerie nationale pour la Région Analamanga, tout citoyen, victime d’un désagrément provoqué par les fantaisies du courant électrique, a le droit de porter plainte, ou, plutôt, de demander une ouverture d’enquête auprès des instances chargées de ce genre d’affaires. Soit.
En droit, personne n’est au dessus de la loi. Chaque citoyen, quel que soit son statut est justiciable. Chacun peut bénéficier de l’assistance des représentations de l’Etat quand il présente ses doléances et être assuré que son affaire suivra son cours jusqu’à son aboutissement. Le président de la République a été victime d’un accident domestique chez lui. Une enquête a été ouverte et des employés de la Jirama, ceux qui ont assuré l’installation électrique au mois de janvier dernier, ont été les premiers à être convoqués à la Brigade de recherche de Fiadanana, avec le motif d’ « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Le grand mot. D’autres suivront, selon nos informations.
Certes, il s’agit du président de la République et il a droit à certains égards. Mais combien sont-ils, les simples citoyens, victimes du même désagrément, sans que l’Etat ne bouge le petit doigt ? Combien sont-ils à se morfondre dans le noir quand la Jirama, pour diverses raisons, doit couper l’électricité ? Combien sont-ils, ceux qui voient leurs affaires péricliter parce que la société d’Etat qu’est la Jirama ne peut fournir la quantité d’énergie nécessaire pour faire tourner normalement leur entreprise ? Ne se sont-ils pas plaints ? Ne crient-ils pas leur désespoir ? Mais ont-ils été entendus ? Pourquoi ne bénéficient-ils pas de la même diligence de la part de ceux qui peuvent « ouvrir une enquête », quand bien même leur intégrité physique est menacée ?
Parce que dans ce pays, l’Etat de droit ne s’applique qu’à un certain nombre de privilégiés. Il faut appartenir à ce cercle très limité pour bénéficier de ces droits. Et c’est dommage pour un pays qui a lutté maintes fois pour le changement que la Justice, celle qui est sensée protéger les faibles, n’appartienne qu’à une poignée d’individus… hauts placés.
