Point de vue Lutte anti corruption : Madagascar veut-elle réellement lutter contre la corruption ?

L’année 2020 sera celle de l’examen de passage de Madagascar dans le cadre de la lutte contre la corruption. La stratégie nationale de la lutte contre la corruption (SNLCC) établie en 2015 a permis de mettre en place plusieurs outils visant à instaurer cette initiative. La réorganisation du Bureau Indépendant Anti Corruption et du Service de Renseignements Financiers (SAMIFIN) ainsi que l’instauration du Pôle Anti-Corruption (PAC) en sont quelques exemples.
La menace d’une remise en question de cette stratégie nationale est réelle quand une proposition de loi a été introduite de manière rapide à l’Assemblée Nationale. Il s’agit de la proposition de loi n°01-2020/PL modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°2016-021 du 22 août 2016 sur les Pôles Anti-Corruption soutenue par le député d’Ampanihy. Un texte adopté par l’Assemblée Nationale au mois de juillet et qui dénude le Pôle Anti-Corruption du pouvoir de juger les infractions économiques sources de corruption. Une menace constatée par le Sénat qui avait dès lors demandé un ajournement et un examen plus approfondi de ce texte lors de la dernière session ordinaire du parlement.
Ce projet de loi a créé le tôlé au sein de l’opinion nationale comme internationale. Des diplomates étrangers ne cachent pas leur consternation sur cette proposition de loi si elle est adoptée par le parlement. Pour les partenaires internationaux de Madagascar, cette loi va ôter une pièce maitresse de la raison d’être de la SNLCC et sera qualifié de net recul dans le cadre de cette lutte. Cependant, certains parlementaires et notamment le député initiateur de la proposition de loi, considèrent qu’elle permettra de renforcer les structures existantes des tribunaux ordinaires et de spécialiser le PAC à des sujets purement liés à la corruption.
Sur les réseaux sociaux, une forme de solidarité parlementaire commence à se créer au sein de l’Assemblée Nationale afin de soutenir leur collègue initiateur de la loi modifiant les attributions du PAC.
Les tractations sont en cours. Le dialogue est jusqu’ici maintenu afin de trouver une issue consensuelle à cette distorsion affectant les efforts déployés en matière de lutte anti corruption. Sans un consensus entre tous les acteurs, législateurs comme exécutants, le pays risque d’être la proie aux blanchiments de capitaux et de corruption à grande échelle sans parler de la perte de confiance vis-à-vis des partenaires internationaux.

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