Point de vue : Spirale infernale

Spirale infernale

Ce qui s’était passé à Mananjary la semaine dernière suscite divers commentaires sur les réseaux sociaux. Si les traditionnalistes purs et durs, notamment ceux qui s’en tiennent à la sainteté des lieux et aux fady (tabous) s’attendaient à un soutien sans faille, c’est le contraire qu’on constaté : la condamnation de ceux qui ont osé enlever d’une manière atroce la vie de la femme en la torturant et en la brûlant vive.
Beaucoup de localités dans la Grande Île respectent et font respecter les « fady ». Dans certaines localités, des lieux restent encore interdits aux « merina »ou les « ambaniandro », originaires des hautes terres. Ailleurs, la viande de cochon est interdite, dans d’autres lieux, le port de la couleur rouge n’est pas conseillé…
Sauf dans de très rares cas, la transgression de ces « fady » n’aboutit pas toujours à la condamnation à mort des transgresseurs. En revanche, ces derniers doivent payer leur crime de diverses façons en fonction de son importance. Les gens d’ailleurs ont montré leur écoeurement de la tournure des événements à Mananjary, d’autant plus que l’auteur des faits était une femme. Fallait-il en arriver là ?
La justice populaire a pris une dimension trop importante pour que l’Etat doive réagir pour y mettre un frein. Les exécutions de bandits commises par les forces de l’ordre y sont forcément pour quelque chose. Il est toujours difficile de faire la part des choses devant une situation où les bandits, eux aussi, vendent chèrement leur peau et n’hésitent pas à tuer. Mais les policiers ou les gendarmes bénéficient d’une formation plus « civilisée » qui leur permet de mettre hors d’état de nuire les hors la loi sans pour autant leur enlever la vie. Si les éléments des forces de l’ordre peuvent faire usage de leur arme sans être inquiétés, les membres du fokonolona peuvent donc, logiquement, appliquer ce qu’ils entendent par la justice populaire où tout est exécuté dans la minute qui suit le crime. C’est cette spirale infernale qu’on doit briser.
Cette forme de justice populaire remonte à la nuit des temps à Madagascar, notamment sous la royauté Merina quand des suspects d’un crime quelconque sont soumis à l’épreuve du tanguin. Si l’épreuve du tanguin est la sanction, parce que c’est un poison mortel, les suspects sont parfois des gens ordinaires qui sont montrés du doigt par ouï-dire ou qui ont eu le malheur de se mettre à dos une partie de la société. Ils peuvent être condamnés pour des crimes auxquels ils n’ont aucun rapport, mais c’est toujours la voix du plus grand nombre (le vahoaka) qui les ont compromis qui l’emporte. Nous sommes au XXIè siècle. Ce genre de barbarie ne doit plus avoir lieu…

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