Patrick Imam : “Madagascar a toutes les chances de réussir”

Après avoir occupé le poste de Représentant Résident du Fonds Monétaire International (FMI) à Madagascar pendant quatre ans, Patrick Imam a quitté la Grande Ile hier. Avant son départ, il a bien voulu accorder une interview à la Rédaction, comme il avait l’habitude de le faire. Les détails.

Ma-LAZA : Vous êtes sur le point de quitter Madagascar, qu’est-ce qui vous a le plus marqué sur le plan professionnel durant ces quatre années ?
Patrick Imam : Nombreuses sont les choses qui m’ont marqué au cours de ces quatre dernières années. Quand j’étais arrivé à Madagascar en 2014, le pays venait tout juste de sortir de cinq longues années de crise politique et de regagner la reconnaissance de la Communauté internationale. Les autorités s’évertuaient à mettre en place un programme pour le redressement économique et social du pays. Le contexte était assez difficile. A cette époque, l’Etat manquait cruellement de ressources, alors que les arriérés des dépenses publiques s’accumulaient et que les indicateurs sociaux étaient, pour la majorité, dans le rouge, compte-tenu des dépenses d’infrastructures et sociales opérées au cours de la période de transition. Suite à une prolifération de la corruption, les indicateurs de gouvernance étaient tous en détérioration à la sortie de la crise avec des institutions fragilisées.
A l’époque, un plan national de développement a été mis en œuvre et l’est encore jusqu’à aujourd’hui, au moment de mon départ. Dans le cadre de mon mandat, j’ai pu accompagner les autorités dans la mise en œuvre de ce programme et j’ai pu voir les progrès réalisés grâce à ce plan. Globalement, Madagascar est revenu de loin et le chemin à parcourir est encore long pour atteindre les objectifs que le pays s’était fixé. Toutefois, le pays est sur la bonne voie. Les progrès les plus marquants étant le maintien de la stabilité macroéconomique malgré les différents chocs auxquels le pays a été régulièrement exposé ces quatre dernières années. Un taux de croissance qui augmente régulièrement, et qui reste au-dessus de ceux des pays pairs de l’Afrique Subsaharienne, et un taux d’inflation maintenu suite à une meilleure maîtrise par la Banque Centrale de sa politique monétaire. Des réserves internationales en devises s’étaient fortement renforcées pour donner au pays une certaine marge de manœuvre pour faire face aux différents chocs qui le touchent régulièrement.
Autres faits marquant, c’est l’augmentation en continu des recettes fiscales mobilisées. Et ce, grâce aux nombreuses réformes entreprises au niveau des deux principaux départements de la Douane et des Impôts. Il y a également l’amélioration de la qualité des Dépenses publiques, avec de plus en plus de ressources publiques consacrées, à l’heure actuelle, aux dépenses dites prioritaires, comme les dépenses d’infrastructures et les dépenses liées à l’Education et à la Santé, et de moins en moins de ressources consacrées aux dépenses non prioritaires comme les dépenses de transferts aux entreprises publiques défaillantes ou les dépenses de subventions comme les subventions pétrolières. Autre progrès, et même si j’aurais souhaité voir plus, ce sont les progrès réalisés dans le cadre de l’instauration de la bonne gouvernance. Le renforcement des arsenaux juridiques pour lutter contre la corruption ainsi que l’opérationnalisation du premier Pôle Anti-corruption ont été des progrès sensibles, bien que pour faire la différence il faut vraiment les rendre effective.
Et finalement, et c’est le plus marquant de tout, c’est la résilience de la population Malagasy face à toutes les conditions difficiles auxquelles elle est exposée. La population, en général, mais aussi les entrepreneurs et même ceux qui travaillent au niveau du gouvernement ont toujours démontré une ténacité qui fait que malgré tous les problèmes ou défis à relever, ils réussissent toujours à réaliser de grandes choses.

Ma-LAZA : Et sur le plan personnel, qu’est-ce qui vous a marqué et qu’est-ce qui va vous manquer ?
Patrick Imam : Madagascar est un pays vraiment accueillant et les Malagasy se caractérisent par leur extraordinaire gentillesse et générosité, ainsi que par leur résilience. A plusieurs reprises, j’ai eu l’opportunité de voyager à travers le pays, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel, et quelle immense chance c’était de pouvoir découvrir toutes les merveilles que ce pays possède en termes de faunes et de flores. C’est une biodiversité riche et assez unique qu’on ne trouve nulle part ailleurs mais que j’ai eu la chance immense de découvrir en travaillant à Madagascar. Par ailleurs, au cours de ces quatre années, ma famille et moi, nous nous sommes faits énormément d’amis ici. Des amis avec qui nous avons tissés des liens d’amitiés inoubliables. Tout cela va nous manquer sans nul doute, mais c’est un au revoir, et non un adieu.

Ma-LAZA : Quel poste allez-vous à présent occuper ?
Patrick Imam: Dans quelques semaines, je rejoindrai mon nouveau poste au Zimbabwe, en tant que Représentant Résident du Fonds Monétaire International. J’y exercerai les mêmes fonctions que j’avais ici à quelques détails près. Le pays est différent de Madagascar ainsi que l’Economie, et donc les défis le seront également.

Ma-LAZA: Pourrait-on savoir qui vous succèdera et quand est-ce qu’il occupera sa nouvelle fonction?
Patrick Imam : Mon successeur se nomme Marc Gérard. C’est un ressortissant français ayant déjà occupé plusieurs fonctions au FMI, au sein de divers départements dont celui des Finances Publiques et du Département Européen. Marc Gérard a une vaste expérience dans les domaines de la politique budgétaire et de la gestion des finances publiques, mais également dans la conduite de la politique monétaire et de change. Avant de rejoindre le Fonds, il a déjà travaillé pour la Direction Générale du Trésor français. Je me réjouis de son arrivée. Étant donné sa compétence, le dossier de Madagascar sera vraiment en de très bonnes mains.

Ma-LAZA: Etes-vous optimiste quant à l’avenir de Madagascar ? Et quant à la tenue des élections au pays ?
Patrick Imam : En tenant en compte les résultats obtenus jusqu’ici, ainsi que les potentialités du pays, je ne peux qu’être optimiste en ce qui concerne le futur de Madagascar. Les efforts de ces quatre dernières années ont permis de jeter les bases nécessaires pour le redressement et le développement du pays, et il sera important que le futur gouvernement qui va reprendre les rênes après les élections bâtisse là-dessus. Il est maintenant important de les consolider et de s’attaquer aux défis restants.
Quant aux élections prochaines, je reste confiant dans le processus ainsi que dans la sagesse des politiciens du pays. Nul n’ignore le passé du pays et les effets qu’une crise politique peut engendrer sur son développement économique et social. Je suis convaincu qu’aucun d’eux ne verra un avantage à ce que les prochaines élections ne se déroulent pas bien.

Ma-LAZA : Auriez-vous un message à adresser à nos dirigeants et à la population Malagasy ?
Patrick Imam : Redresser un pays n’est pas une tâche aisée, que ce soit pour les autorités ou pour la population qui en serait la principale bénéficiaire. A l’endroit des autorités, je dirais qu’il faut poursuivre les actions qui ont été déjà lancées, consolider les acquis et s’attaquer aux différents défis qui demeurent. Pour ce faire, il faut se doter des ressources financières et techniques nécessaires. Et surtout, demeurer à l’écoute de la population.
A la population Malagasy, je dirais qu’il faut prendre le mal en patience, même si c’est dur. Les réformes prennent généralement du temps à porter leurs fruits et pour cela, donner du temps au temps s’avère nécessaire. Le besoin de voir les choses changer et changer vite est tout à fait compréhensible, compte tenu des conditions de vie précaires dont souffre la plupart aujourd’hui, mais il faut aussi savoir demeurer réaliste par rapport aux attentes. Ainsi, il est important que le futur gouvernement consolide et poursuive les progrès réalisés jusqu’ici car c’est seulement de cette manière que la population va voir une différence dans ses conditions de vie.

Ma-LAZA: Quel est votre mot de la fin

Patrick Imam : Madagascar est un pays qui a toutes ses chances de réussir et il mérite sa place parmi les pays modernes, car il possède tous les atouts pour ce faire, des ressources naturelles en abondance et un capital humain dynamique et reconnu par sa compétence. Et c’est tout naturel que la population malagasy puisse en jouir et finalement vivre décemment dans la sécurité et la prospérité. Aussi, je ne peux que souhaiter un meilleur futur pour ce pays pleins d’atouts.

Propos recueillis par Claudia R.

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